Un travail d’introspection

Je relie mes photographies réalisées au Sénégal et m’interroge sur leur sens. Elles semblent décousues, comme des pièces d’un puzzle non fini étalées – rependues – sur une table. Je les relie et les assembles avec mes souvenirs de terrain, mon histoire, et là émerge une chronologie qu’un rangement trop hâtif – par catégorisation – a tendu à faire disparaître.

Ma lecture suit un va-et-vient incessant entre les clichés… Qu’ais-je donc bien voulu saisir, là-bas ?

 

De Tabaski naît l’évidence. Premier contact avec l’ailleurs, une lame de rasoir tranche la chair vive d’un mouton. Moi, fébrile, chancelant sur mes pattes, soumis aux hallucinations nocturnes à cause d’un mal lié à l’eau (nausées et fièvres), j’imprime dans ma mémoire numérique un sacrifice collectif. Plus tard, à Mlomp, je photographie le massacre d’une dizaine de poulets… Le focus est fait sur les gerbes de sang qu’éjaculent les artères animales, sur la main de l’homme et son couteau cramoisi. Je m’intéresse par ailleurs à la violence (rixe), aux chaos (urbanisation) et à la souillure (tas d’immondices), de Dakar à Mlomp.

Il y a aussi les longues routes, maritimes ou terrestres, toujours métaphores du voyage, de l’ailleurs, de l’étranger.

Plus le temps passe, là-bas, plus mon regard s’adoucit… J’en viens aux portraits, aux jeux, à la musique… Pour finir sur une série (commandée) sur l’enfance.

 

Mes clichés de Casamance s’inscrivent dans une diachronie qui trouve son essence dans la violence d’une rencontre avec une culture différente pour s’achever dans la paix d’un paysage culturel apprivoisé (pas nécessairement compris, seulement apprivoisé). Mes photographies racontent, mises bout-à-bout, l’histoire de ce voyage, telle que moi je l’ai vécu. Je n’ai jamais vraiment réussi à photographier le banal, le quotidien, je n’en vois pas l’intérêt… Il me semble photographier l’étonnement, la surprise, le peu-commun, l’instant qui me perturbe, m’agresse, m’interroge ou me ravit !

 

Lues ainsi, que disent mes photographies, lorsqu’on les soumet à la contrainte anthropologique ? Elles racontes, il me semble, la part de subjectivité de l’ethnographe, son état d’esprit durant l’enquête, et peuvent sans doute fournir au lecteur attentif des clés pour comprendre le texte scientifique…

La photographie, sans doute, annihile tout possible objectif pour raconter la subjectivité de l’auteur. Elle est à lire comme introspection.

~ par cedricleveque sur 16 janvier 2012.

Une Réponse to “Un travail d’introspection”

  1. Intéressant. Damien

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